STEVE

 

son bike entre ses jambes
Balantines à la main
Je vais venir vous parler

et il parle
parle
il vient d’Harlem
mais avant tout d’Afrique du Sud
il a une base ici, sur Toulouse
mais ce n’est pas chez lui

Chez lui
c’est en Afrique
avec les lions gazelles macaques éléphants
la nature
la vraie vie
vous avez déjà navigué ?

Non…

une fois que tu seras allé en mer
tu détesteras la terre
c’est sur la mer
la véritable liberté
Au début,
tu vas vomir
tu vas tout vomir
tous tes restes de la terre
La mer, elle commence
par te laver entièrement
ensuite elle t’accepte
et te donne
te fait des cadeaux
des poissons comme jamais ailleurs tu pourras en avoir
la meilleure bouffe du monde !
mais des fois
elle te rejette
elle Up and Down
elle ne veut plus de toi
elle te creuse et te soulève entre
ses vagues
et tu ne peux rien faire
rien d’autre qu’attendre et résister
mais tu es libre
libre
LIBRE !!!

 

 

 

LES NAZIS LES BRÛLAIENT

 

 

Jeune homme !
Jeune homme !
venez voir !
venez voir
ça !
vous voyez :
dans la beine bleue,
la beine à recycler
des livres
des centaines de livres
déchiquetés
dilapidés
sans corps ni couverture
ils gisent
Vous savez ce que c’est ça ?

Vous allez me le dire…?

c’est du NAZISME !

ce serait du nazisme
ils les auraient brûlés… ?

Non,
c’est du nazisme !
ils empêchent les gens
de lire
d’ouvrir
leurs esprits
en les privant
de ces livres !

oui,
ils auraient au moins pu
les offrir à une
bibliothèque
qu’en tirant sa couverture
sa tranche se révèle :
Mais ça appartient à une bibliothèque ?!

oui
ça appartient à cette bibliothèque
celle que je n’avais pas vu
en passant par derrière…)
voilà comment ils vous brident
l’esprit
en jetant
les livres dérangeants :
principalement des bio :
Dylan Hendrix Floyd Marley…
et des encyclopédies :
tome 3,  Dictionnaire des littératures de langues françaises
lettre P : Philipe de Mézières
ou Maizières
ça dépend des régions :
La vie aventureuse et les rêves de croisade
L’impossible tentative du Songe

et je me souvenais
de tous ceux
qu’on ne lisait plus
et que mon père avait offert
aux bibliothèques
se disant
ça fera des heureux

 

 

 

 

PROPRE AU MAIRE

 

 

dîtes monsieur

oui ?

là je vois
vous nettoyez la rue
je le vois
tous les jours vous nettoyez la rue
et tous les jours c’est sale
tous les jours il y a des mégots de cigarettes
et tous les jours vous nettoyez
vous pensez pas qu’on peut faire quelque chose
pour que les gens arrêtent d’être
sales ?

euh… non, je crois pas
à part continuer à nettoyer
tous les jours

bon , dans ce cas,
je vais écrire au maire
et voir avec lui si on peut pas faire quelque chose
pour que les gens arrêtent d’être sales

ok, et bien allez-y…

oui je vais faire ça
bonne journée

 

 

Paris Jim

 

 

 

Je titube. Je vacille. Je vertige. Je bourbon, bien droit bien sec bien coca pour dissimuler notre ivre de pierre en tombe… éructe à tout va, à toutes stèles, à tous noms hautement mort et littéraire en terre… qu’arrivés à Proust, saloperie de petit bourgeois ! cochonnerie d’écrivain ! moustache perdu de recherche ! étouffé par son manque de temps ! Allez, hop ! une première glaire pour le conspuer pffffttt une seconde pour mon bon bourbon bon merci
« pourquoi t’as fait ça ?! me demande Sarah tout aussi ivre, tout aussi rire, ne saisissant pas pourquoi on est là… ? pourquoi on Lachaise nos Pères… ?

- Il faut bien rendre la monnaie de sa fourche à l’aut’Roi Lézard qui peut tout faire ! surtout mourir de bain, la peau fripée et détendue, les muscles dissous et contractés, le vit toujours bien dressé, toujours bien baisé, toujours bien Wilde, gloss sur mes lèvres SMACK à la croupe… et elle goutte ma salive…

                                                                                 
… bientôt… bientôt… pas tout de suite… pas encore… pas assez saoul… pas encore… glou glou toujours… entre les allées ne menant nulle part qu’à d’autres oublis… oubli de raison… oubli de pisser…oubli de gerber… oubli de danser… oubli de gesticuler à toute Shoa… un parti communiste à l’agonie… oubli de me perdre… oubli de me trouver… oubli de temps… oubli de rire… si proche… si prêt… pas encore… bientôt… bien tôt… bien trop tôt… bien assez tard pour le trouver… bien trop tard pour le trouver… bien trop tard pour déclamer…

 

« Le cimetière ferme. Revenez demain. »

 

 

… comme il vous plaira…

 

… ça tournicote en tout sens… ça patati en Germain… ça patata en Montmartre… ça danse… ça crie… ça tombe… rit… debout… hurle… HURLE !!!

 

« Arrête ! Tu fais peur aux enfants. Tu me fais honte, dit Sarah.

- C’est quoi tes conneries ?! Tout le monde en a rien à foutre ! Tu vois pas ?! Tous indifférent ! Atone à tout !!! Ridicules ! Ils en ont rien à foutre ! et ils ont bien raison ! Qu’importe ! Dansons Sarah ! Dansons ! Crions ! Brûlons ! Oui ! Brûlons ! Il faut tout brûler !!! Qu’il ne reste plus rien ! Qu’il ne reste qu’un souffle ! Qu’il ne reste qu’un souffle ! Qu’il ne reste que le silence !!!... oui… le silence…

                                                                         … ils en étaient tellement proches…

- Qui ?

- Tous… Ils en étaient tellement proches… si près… et à la dernière seconde… à la dernière encre… ils ont rebroussé chemin… Pourquoi ont-ils fait ça ?!... Pourquoi !?... tellement proches… Caro… pardon, Sarah… ils l’avaient vu… ils l’avaient vu et s’en sont détournés…

- Vu quoi ?

- Tout… rien… l’essence de tout… le silence…

                                                           … ils en étaient si proches…
… pourquoi a-t-il fait ça Sarah ?...
… il en était le plus proche…
… pourquoi ?...

- Qui ? Joyce ?

- Pfft ! Sûrement pas ! Beaucoup trop symbolique, beaucoup trop mégalo, beaucoup trop imbu de sa personne pour le voir. Non. Beckett… il en était le plus proche… pourquoi a-t-il fait ça ?... pourquoi ?...

                                                                       … et eux !...
… Regarde les !... Ils sont si beaux… si beaux… si magnifiques… si merveilleux… et ils ne voient rien… si beaux et ils ne voient rien… si beaux… et ils ne voient rien… si beaux… si magnifiques… si merveilleux… et ils ne voient rien…
… c’est pour eux qu’il faut le faire Sarah… il faut le faire… je suis désolé Sarah… si désolé… mais il faut le faire… on n’a pas le choix… on n’a jamais eu le choix… il faut le faire… et je tombe… je m’effondre… je pleure… je tremble… je crise… je larme… je rivière… je torrent… je feuille… au milieu de la rue… au milieu des passants plus morts que les tombes… face l’asphalte… face le monde… face moi… si fatigué… si épuisé… et elle est là…
… elle me prend dans ses bras… me réconforte… ça va aller Julien… ne t’en fais pas… je suis là... tu m’écoutes ? Je suis là. Je ne t’abandonnerai pas. Jamais. Tu m’écoutes ? Jamais. Je suis là. Regarde-moi. Je suis là… Allez, viens…

 

                                                                                                          … on y va…

 

                                   … jusqu’au lendemain…
… estomac dans les talons… nausée à tous les étages… yeux ne décollent pas du sol… la gerbe… mais allons-y…

                                                                       … retour au Père Lachaise…
… derrière une tombe, un joint se roule, se fume, se lève, se marche entre toutes… cent cinquante… deux cents ans… juste avant la Révolution… juste après, les fossoyeurs déterrent un oubli… et des noms… et des tombes… et la sienne… et la KATA TON ΔAIMONA EATOY… et la page ouverte… la page déliée sur ce jeu… délicieux petit jeu qui rampe dans ta tête… s’enroule… se replie… s’écaille de gratte gratte gratte tes saines… devenir fou… petit jeu au serpent bien ssssssssiifffl sa fourche de pieds bien glissés autour de tes toi… les caresse… les entoure… les enjolive… les constrictor… jusqu’à la triste… jusqu’à la corde… jusqu’au sol de sa tombe larme de pétales jetées par Sarah à chaque pique… à chaque sueur qui court court court le long de ma voix… le long de ma gerbe… le long de cette chanson à l’air perdu maintenant retrouvé que face sa tombe…

 

 

 

 

©JULIENAMILLARD2012