JULIEN AMILLARD

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les tournesols

 

 

 

 

 

qu’est-ce que tu fais ?

 

j’essaye

d’écrire

sur les tournesols.

 

ah ?

 

ouais, j’aime bien ça

les tournesols

me dit-il tout ému

je trouve ça très beau

enthousiaste à ces soleils qui s’ouvrent

lorsque le soleil brille, c’est plus facile

j’aimerai écrire un truc sur

mais rien ne me vient…

La poésie, c’est supprimer

pour dire l’essentiel

et je mets toujours trop de mots

je ne devrai en mettre que quelques uns

mais il y en a toujours trop…

peut-être que le véritable poème

est celui qui ne contient aucun mot ?

suggère-t-il un sourire en coin

 

et ne répondis rien

mon verre se remplissait vidait

à une bonne cadence

et ne trouvais rien à dire

J’avais déjà lu certains de ses textes

ceux qu’il exhibait sur un autel

face la porte d’entrée

c’était même la première chose qu’on voyait

en entrant chez lui

tous les livres qu’il avait écrits

publiés grâce à

internet

 

La première fois que je l’avais rencontré

il exhibait tous les autres

me parlait de son amour des mots

de tous ces grands qui le fascinaient

son mur en était couvert

maintenant il n’y avait plus que lui

son autel

et mon verre s’emplissait vidait

à la même cadence

 

La poésie….

Les mots…….

ils doivent être une lame

une grande lame qui te transperce

du sommet de ton crâne à tes couilles

tes pieds

sentis-je mes lèvres remuer

 

Quel ramassis de connerie !

 

Jouer à son petit jeu n’était qu’un piège de plus

et je m’y enfonçais

les bras ouverts la gueule assurée

J’aurais dû la fermer

mais préférais proférer ces merdes

plutôt que lui balancer ses livres

l’empoignant qu’il devrait arrêter

de nous faire chier

avec toutes ces manières

tous ces bons mots bien appris

recopier des milliards de fois dans tous ces grands

tous ces livres

qui n’intéressaient personne

d’autre que son autel

lui

 

 

 

 

 

 

 

comment devient-on le meilleur ?

 

 

 

 

 

il suffit d’

attendre

que les meilleurs

meurent

 

 

 

lorsqu’il ne reste plus que

nous

alors devient-on le

meilleur

 

on ne devient le meilleur que par défaut

 

c’est ce qui est arrivé à

Turner

et

Bukowski

entre autre

 

 

 

cela est valable aussi pour

la vengeance

et à peu près

tout

ce qui concerne

un

autre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

la Garonne n’entend plus

 

 

 

 

 

c’était la première fois que je venais

sur Toulouse

et comme ça m’était souvent arrivé

je passais une nuit blanche

dans la rue

à regarder les créatures nocturnes

qui jonchaient Toulouse

auscultant le ciel

pour chercher à savoir

s’il était différent de ceux que je connaissais

 

en attendant que le train passe et me ramène

là où je m’abaisserais

les genoux dans la caillasse

à récolter le raisin

La têt’ dans le cep !

que je bois maintenant

 

en attendant le train

j’allais au cinéma

voir des pirates insipides

qui m’offrirent leur temps pour dormir

 

et retournais à la rue

 

des Anglais ivres cherchaient à savoir si le train allait finir par passer

 

oui, mais pas ici

il faut aller à la gare

 

la gare ?

 

oui, par là

 

par là ?

et s’en allèrent

 

des couples s’offraient un pique-nique sous la blanche

déballant leur emballage Big Mac

il manque une frite

 

et continuais à marcher

passant sous les douze

signes de bronze ornant le Capitole

où siégeait des tribus sises en cercle

se passant des verres et bouteilles

à une heure où plus rien n’est disponible pour avoir

 

j’avais essayé de me trouver

une bière un vin

et rien

 

je trimballais mon sac avec

mon livre que j’écrivais

et n’ai toujours pas fini

et d’autres pour occuper mon train

 

la nuit se raccourcissait lorsque je tombais

sur eux

m’offrant leur Gaillac

et une bavette

 

ils parlaient

et parlaient

l’un était musicien

et vivotait de petits jobs pour payer son loyer et frigo

le second bossait dans l’humanitaire

et me parlait des Indiens

 

Ils sont beaux

ils sont si beaux

en pleine santé

ils ont une tradition de respect envers la nature

tu sais

ils ont une danse qui s’appelle la danse de l’herbe

ils font cette danse lorsqu’ils arrivent sur un nouveau terrain

où ils bâtiront leurs maisons

mais ils ne creusent pas le sol

ils dansent

dansent

jusqu’à ce que l’herbe se couche

 

lorsqu’ils seront repartis

l’herbe continuera à grandir

 

et je ne disais rien

 

j’écoutais celui aux indiens

qui était aussi écrivain

depuis quelques mois il s’y essayait

et l’autre

qui face mon mutisme

Mais tu dis rien ?

T’es tout timide

 

et avant que je ne puisse dire quoique ce soit

son pote

Laisse, lui, il observe

t’as pas vu ?

il dit rien mais ça se voit

il enregistre tout

il conserve

 

 

 

 

 

vocation

 

 

 

 

 

c’est fou ça !

 

ah ?

 

oui

moi aussi

avant

quand j’étais petite

j’écrivais

je me souviens

j’écrivais tout le temps

 

j’écrivais des poèmes

des trucs sur la réalité de chacun, tu vois

ce genre de truc

j’écrivais aussi des lettres

à mon père

c’était la seule façon que j’avais pour pouvoir communiquer

avec lui

et puis j’ai arrêté

parce que ma belle-mère ne savait pas lire

elle croyait que j’écrivais des saloperies

sur son compte

ce qui était faux

mais j’ai dû arrêter d’écrire

à mon père

 

plus tard je continuais d’écrire

avec une copine

on  écrivait sur nos vies

de vraies sitcoms

on avait commencé un roman toutes les deux

sur ce qui nous arrivait

avec les mecs tout

ça

 

on ne l’a jamais fini

je me souviens

quand j’étais petite

j’écrivais tout le temps

tout le temps

et maintenant

plus

rien

 

 

 

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